Les glucocorticoïdes sont fréquemment utilisés en médecine vétérinaire en situation d’urgence. Pourtant, leurs indications ne sont pas si nombreuses et ils peuvent, plus souvent qu’on ne le croit, augmenter le risque de mortalité. Une revue de la littérature a analysé les indications, l’efficacité et les controverses concernant les glucocorticoïdes en médecine humaine et vétérinaire.
Vu dans la presse :
Le délai d’action long des glucocorticoïdes
Les glucocorticoïdes sont des hormones circulantes qui jouent un rôle important dans l’homéostasie. Leurs actions sont multiples : ils possèdent des propriétés anti-inflammatoires puissantes, ont une activité synergique avec les catécholamines sur l’appareil cardio-vasculaire et augmentent l’apport de glucose au coeur et au cerveau. De plus, ils induisent une bronchodilatation, limitent la perméabilité vasculaire et empêchent la production de vasodilatateurs.
Lors d’un choc anaphylactique, les mastocytes libèrent massivement des médiateurs de l’inflammation responsables des signes cliniques. Les glucocorticoïdes ont été proposés en traitement d’urgence, afin de contrer la cascade inflammatoire. On peut associer les bénéfices de l’administration des glucocorticoïdes à leurs effets rapides : vasoconstriction, stabilisateurs de membrane, et tonus vasculaire. En revanche, la majorité des effets anti-inflammatoires des glucocorticoïdes nécessitent une transcription intranucléaire et la production de nouvelles molécules. Cela peut prendre deux à vingt-quatre heures. Or ce délai est trop long pour traiter un choc anaphylactique. D’ailleurs, les quelques études cliniques publiées en médecine sur le sujet montrent une faible efficacité.
Des doses élevées de glucocorticoïdes à éviter
Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est caractérisé par une inflammation importante et des oedèmes alvéolaires. Le pronostic est d’autant plus mauvais que l’inflammation se prolonge et que la fibrose devient importante. Pour les personnes à risques ou atteint de SDRA au stade précoce, une dose élevée de glucocorticoïdes (30 mg/kg toutes les 6 h) sur une courte période (entre un et quatre jours) n’apporte aucune protection. On remarque même des augmentations de l’incidence d’un SDRA, d’infections, d’hyperglycémie et de mortalité chez ces personnes. L’administration de doses faibles de glucocorticoïdes durant une plus longue période est en revanche bénéfique chez les personnes souffrant du SDRA. En se basant sur ces études en médecine, il semble raisonnable d’éviter l’administration de fortes doses de glucocorticoïdes dans le traitement du SDRA chez les chiens et chats.
Pas de consensus pour les lésions médullaires
Plusieurs études expérimentales ont été réalisées chez le chat, pour étudier l’intérêt des glucocorticoïdes dans le traitement de lésions médullaires aigües. Après administration de 30 mg/kg de succinate sodique de méthylprednisolone, 30 min après les lésions médullaires aigües, puis de 15 mg/kg après deux et six heures et une perfusion à débit constant contenant 2.5 mg/kg/h durant 24 heures, les auteurs ont remarqué une amélioration des fonctions neuronales et une diminution des pertes tissulaires médullaires post-traumatiques. Chez les chiens, les études expérimentales sont peu concluantes sur l’efficacité du méthylprednisolone dans le traitement de lésions médullaires aigües. Une étude clinique a montré des améliorations significatives dans les fonctions nerveuses motrices et sensitives. Ces améliorations étaient minimes et obtenues lors d’administrations de fortes doses de MPSS dans les 3 à 8 heures après le traumatisme. Cependant, ils n’ont pas remarqué d’amélioration significative dans les résultats de déficience fonctionnelle. Aucun consensus clair ne se dégage dans le monde médical sur la recommandation des glucocorticoïdes dans le traitement de lésions médullaires aigües. Il existe peu de données sur l’utilisation des glucocorticoïdes dans le traitement de lésions médullaires aigües chez le chien et le chat. Elles ne permettent pas de mettre en évidence des bénéfices certains du traitement à base de glucocorticoïdes. En revanche, on constate des effets secondaires tels que des vomissements, ulcérations gastro-intestinales, diarrhée… Ces effets sont plus fréquents avec l’utilisation de dexaméthasone que de méthylprednisolone. En se basant sur le résultat des différentes études, il semble difficile de conclure sur la préconisation ou non de glucocorticoïdes dans le traitement de lésions médullaires aigües. La méthylprednisolone semble être à privilégier : son administration devra se faire dans les 8 heures après la lésion, à forte dose en bolus (30mg/kg). Suivi d’une perfusion à débit constant durant vingt-quatre heures (5.4 mg/kg/h) ou de deux injections de 15mg/kg après deux et six heures.
Pas de recommandation dans le choc traumatique…
L’utilisation des glucocorticoïdes dans le traitement de choc traumatique ou d’hémorragies n’est pas recommandée. En effet, les résultats des études sont trop divergents et il y a un manque d’information sur les bénéfices réels. Une forme d’insuffisance surrénalienne est décrite chez 40 à 90 % des personnes souffrant de choc traumatique, d’hémorragies ou de choc hypovolémiques : l’administration de glucocorticoïdes est donc bénéfiques chez ces patients. Or, chez les animaux, cette forme d’insuffisance surrénalienne n’est pas suffisamment documentée dans les cas de traumatisme et de choc hémorragique ou hypovolémique. Ainsi, les seules situations où les glucocorticoïdes peuvent être considérés sont les animaux qui restent en hypotension malgré le recours aux perfusions et aux vasopresseurs.
… ni dans les traumatismes crâniens
Les oedèmes cérébraux et l’augmentation de la pression intra-crânienne sont les complications les plus sérieuses des traumatismes crâniens. Malgré des bénéfices théoriques, les glucocorticoïdes n’ont montré aucun avantage dans le traitement des traumatismes crâniens. L’hyperglycémie provoquée par l’administration de glucocorticoïdes pourrait même augmenter les lésions cérébrales. De plus, il a été montré que les glucocorticoïdes ne permettent pas de baisser la pression intracrânienne et qu’ils peuvent avoir des effets délétères dans le traitement de ces lésions voire augmenter le risque de mortalité. Leur utilisation pour les traumatismes cérébraux n’a pas été étudiée chez les petits animaux. En absence d’étude vétérinaire, il semble raisonnable de se fier aux observations faites chez l’homme et de ne pas recommander les glucocorticoïdes chez les chiens et chats en cas de traumatismes crâniens.
En conclusion, les glucocorticoïdes possèdent des propriétés pharmacologiques et anti-inflammatoires très intéressantes. Cependant, ils agissent sur de nombreuses cibles et peuvent aggraver certaines lésions. Dans les situations d’urgence, il est nécessaire de revoir ou même d’éviter leur utilisation.